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Quelle menace iranienne ?

par Alain Gresh, 27 août 2006

Alors que l’Iran a répondu aux propositions du groupe des Cinq + Un (voir blog du 21 août), en se disant disposé à des négociations mais non à une suspension préalable de l’enrichissement d’uranium, le président Ahmadinejad a inauguré le 26 août une usine de production d’eau lourde qui doit servir à un réacteur nucléaire qui sera achevé en 2009 ; il a aussi déclaré que son pays ne menaçait personne, même pas « le régime sioniste ». Le ministre russe de la défense a affirmé que l’heure n’était pas aux sanctions, confirmant la fragilité de l’unité qui s’était opérée au Conseil de sécurité contre l’Iran. Pendant ce temps, le sous-comité sur les questions de renseignement de la chambre des représentants américain a publié le 23 août un rapport intitulé : « Recognizing Iran as a Strategic Threat : an Intelligence challenge to the United States » (Reconnaître l’Irak comme une menace stratégique : un défi pour le renseignement aux Etats-Unis)
— (document PDF)

Le professeur Gary Sick, qui a servi au Conseil national de sécurité sous les présidences Ford, Carter et Reagan, et qui fut le principal conseiller à la Maison Blanche durant la révolution irakienne (1979) et la crise des otages américains, a soumis ce texte à une critique ravageuse. Malgré certaines recommandations nécessaires, écrit Gary Sick – avoir de meilleurs analyses, plus de locuteurs en langue farsi, plus de sources humaines pour le renseignement, etc. –, le but de cet étude est ailleurs. Il est de définir ce que « la communauté du renseignement » devrait dire sur l’Iran. Et Sick de rappeler que l’auteur du travail est Frederick Reitz, un ancien de la CIA qui a été un collaborateur de John Bolton, l’actuel représentant américain aux Nations unies (connu pour ses vues néo-conservatrices). Sick met en lumière les « approximations » de cette étude. Ainsi, p. 9, on peut lire que les 164 centrifugeuses du site iranien de Natanz « enrichissent l’uranium à un niveau militaire (“weapons grade”) ». « Il n’y a aucune preuve, écrit Sick, que cela soit vrai et beaucoup de preuves que la faible quantité d’uranium enrichi produit sur le site est pour des réacteurs (2,5% d’enrichissement contre 95% nécessaires pour les armes) » Et Gary Sick poursuit : « A travers le rapport, on a la liste détaillée de toutes les critiques que les inspecteurs de l’AIEA ont faites et de toutes les questions qu’ils ont posées sur les activités de l’Iran. Toutefois, le rapport ne fait aucune mention des conclusions de l’AIEA qu’elle n’a trouvé aucune preuve de la production d’armes ou d’activité militaire. » D’autre part, le rapport prétend que l’Iran « dispose du plus grand inventaire de missiles balistiques au Proche-Orient » et met l’accent sur les missiles Shahab-3 d’une portée de 1300 kilomètres et son possible développement pour porter des têtes nucléaires et Shahab-4 qui n’existent pas encore (en montrant que ces missiles menacent tout le monde, de Monaco à Moscou en passant par Mumbai). Or, rappelle Gary Sick, « un rapide contrôle des sources mêmes du rapport révèlent que l’Iran a “quelques” missile Shalab-3, mais pas plus qu’une poignée. Alors qu’Israël a 50 missiles balistiques d’une portée plus grande que les Shahab et sont configurés pour transporter les têtes nucléaires (…) L’Arabie saoudite a 40 à 60 missiles de longue portée, d’une portée de 2650 kilomètres et capables chacun de 2500 kilos, clairement le plus important arsenal au Proche-Orient ».

Notons que ce rapport a suscité un éditorial très critique du New York Times, du 25 août, intitulé « Wanted : Scarier Intelligence » (Ce qui est demandé : des renseignements qui fassent plus peur) qui se termine ainsi : « Les Etats-Unis ne peuvent pas se permettre de payer une nouvelle fois le prix pour des politiciens qui veulent plier le renseignement ou pousser les agences du renseignement à satisfaire leur idéologie »
— http://www.nytimes.com/2006/08/25/o...

Alain Gresh

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