Sur le dossier libanais. L’optimisme sur la possibilité du succès de la médiation saoudienne et sur un accord rapide entre la majorité et l’opposition semble se diluer, même si certains évoquent encore un accord avant la fin de la semaine. Désormais, l’échéance fixée est celle du sommet arabe des 28 et 29 mars à Riyad. La tension reste forte sur le terrain et on peut lire souvent, sur la devanture des boutiques : « Il est interdit de parler politique sous peine d’expulsion immédiate » pour éviter des heurts ! Le recteur de l’Université libanaise à Saïda a interdit les affiches politiques sur le campus à la suite d’affrontements entre étudiants. Le climat est aussi alourdi par le ralentissement de l’activité économique : les tensions, c’est bien connu, ne favorisent pas le commerce.
Sur les chances d’un accord politique, plusieurs journalistes et observateurs avec qui j’ai discuté mettent en avant les « fluctuations » de la politique saoudienne. « Il n’y a pas de centre unifié pour la décision saoudienne, explique l’un d’eux. On sent, sur le terrain, s’affronter deux points de vue : alors que l’ambassadeur saoudien multiplie les bons offices entre les divers protagonistes, les services de renseignement saoudiens financent massivement les organisations sunnites. » Le roi Abdallah chercherait plutôt des accommodements, mais le prince Bandar Ben Sultan, ancien ambassadeur de l’Arabie saoudite à Washington défend une position de confrontation et mènerait une diplomatie personnelle. Un des éléments majeurs de la situation est que toutes les crises au Proche-Orient sont plus ou moins liées : ainsi, la confrontation entre l’Iran et les Etats-Unis a, bien évidemment, ses répercussions en Irak, au Liban, en Palestine, etc. Mais, à Washington, s’opposent deux visions de ces conflits : une vision, qui a prévalu jusqu’à ce jour, que le Proche-Orient est le terrain d’une guerre mondiale, d’une guerre idéologique, dont la seule issue possible est la défaite totale de l’ennemi ; une autre vision, plus « réaliste », défendue notamment par le rapport Baker-Hamilton, qui ne sous-estime pas la gravité des problèmes, mais pense que ce sont des problèmes politiques que l’on doit résoudre politiquement (sans forcément exclure l’option militaire). Dans les jours prochains, les réunions régionales autour de l’Irak, avec la participation pour la première fois depuis longtemps de représentants américains, syriens et iraniens, donnera des indications sur les choix américains.
Un intéressant sondage publié par le quotidien Al-Akhbar du 6 mars montre que, pour plus de la moitié des Libanais, ce sont les Etats-Unis qui sont responsables de l’impasse dans leur pays (contre 35% qui pensent que ce sont la Syrie et l’Iran) ; près de 60% pensent que la solution à la crise réside à l’extérieur du pays, contre moins de 30% qui pensent qu’elle est l’intérieur. Un des éléments importants de cette étude est le large rejet par l’opinion des points de vue les plus extrémistes, notamment ceux défendus par Walid Joumblatt et Samir Geagea.
Un reportage du Daily Star (6 mars), « Southerners risk life and limb to work bomb-laden lands » (les gens du Sud risquent leur vie pour travailler sur des terres minées), rapporte les difficultés des paysans du Sud du Liban de travailler la terre sur laquelle on compterait un million de sous-munitions non explosées. Selon les Nations unies, depuis la fin de la guerre des 33 jours menée par Israël, 30 civils ont été tués par ces bombes et 187 blessés.
Syrie. Le quotidien The Daily Star du 6 janvier rapporte que les autorités syriennes ont reporté encore une fois, au 27 mars, le procès de Michel Kilo, militant progressiste emprisonné depuis dix mois après avoir signé une pétition appelant le régime à normaliser ses relations avec le Liban (« Damascus puts off jailed Kilo’s trial yet again »). Ses avocats annoncent même que de nouvelles charges ont été portées contre lui : il aurait incité des codétenus à signer le texte de la pétition. Il risque cinq ans de prison.
Le même quotidien rapporte, dans un article de Talal Al-Atrache, repris de l’AFP, « Iraqi refugees appreciate new lease on temporary lives in Syria », le soulagement des 800 000 à 1 million de réfugiés irakiens en Syrie (en tout, environ 2 millions d’Irakiens ont fuit leur pays) après les déclarations des autorités qu’elles n’expulseraient personne. De nombreux chrétiens figurent parmi ces réfugiés. Les Etats-Unis ont annoncé que Ellen Sauerbrey, sous-secrétaire d’Etat américaine, visiterait la Syrie dans le cadre d’une tournée consacrée aux problèmes humanitaires des réfugiés ; certains y voient une première ouverture en direction de Washington en direction de Damas.
Dans une opinion, « Syria today : online and hardiline » (la Syrie aujourd’hui : en ligne et ligne dure), publiée par The Daily Star du 6 mars, Guy Taylor explique que le pays a connu une explosion du nombre de connectés à Internet, qui atteint désormais 1 million (contre 20 000 à 30 000 en 2000). Mais il souligne que le contrôle et la censure empêchent les sites indépendants d’être accessibles – sans même parler des sites radicaux islamistes ou de ceux qui revendiquent une autonomie des Kurdes de Syrie.