On sait le peu de cas que « la communauté internationale » fait du verdict des urnes : la victoire du Hamas, en janvier 2006, a entraîné des sanctions contre les Palestiniens coupables d’avoir mal voté. Quelle que soit l’opinion que l’on ait sur ce qui s’est passé à Gaza, et les violences interpalestiniennes indiquent une culture de la violence préoccupante, les mesures prises par le président de l’Autorité palestinienne posent problème. Dans un article intitulé « Whose Coup, Exactly ? », et publié le 18 juin sur le site de The Electronic Intifada, Virginia Tilley note que, selon la loi fondamentale (qui sert de constitution), le président de l’Autorité palestinienne peut démettre le premier ministre (article 45), mais ne peut pas nommer un premier ministre qui ne représente pas la majorité parlementaire ; que quand le président démet le premier ministre, le gouvernement est considéré comme démissionnaire (article 85) mais qu’il reste en fonction jusqu’à la formation d’un nouveau cabinet confirmé par le Conseil législatif ; que le président peut gouverner par décret durant les périodes d’urgence (article 43), mais que le Conseil législatif doit approuver ces décrets ; que la loi fondamentale ne prévoit aucun "gouvernement d’urgence".
Dans un article publié par le quotidien The Independent du 16 juin et intitulé « Welcome to "Palestine" », traduit en français sur le site Questions critiques sous le titre Bienvenue en "Palestine", Robert Fisk écrit :
« Ah ! Les Musulmans au Proche-Orient ! Comme ils peuvent être pénibles ! Pour commencer, nous exigeons des Palestiniens qu’ils épousent la démocratie. Mais eux, ensuite, ils élisent le mauvais parti — le Hamas — et après cela celui-ci remporte une mini guerre civile et préside sur la bande de Gaza. Et nous, les Occidentaux, voulons toujours négocier avec le président discrédité [de l’Autorité Palestinienne], Mahmoud Abbas. La "Palestine" d’aujourd’hui — et laissons ses guillemets à leur place ! — a deux Premiers ministres. Bienvenue au Proche-Orient ! »
« Avec qui pouvons-nous négocier ? A qui nous adressons-nous ? Oui, bien sûr, nous aurions dû parler au Hamas depuis des mois. Mais nous n’aimions pas ce gouvernement démocratiquement élu par les Palestiniens. Ces Palestiniens qui étaient censés voter pour le Fatah et sa direction corrompue. Mais c’est pour le Hamas qu’ils ont voté. Le Hamas qui refuse de reconnaître Israël ou de respecter l’Accord d’Oslo totalement discrédité. »
« Personne n’a demandé — dans notre camp — quel Israël particulier le Hamas était supposé reconnaître. Israël de 1948 ? Israël des frontières d’après 1697 ? Israël qui construit — et continue de construire — de vastes colonies pour les Juifs et seulement les Juifs sur la terre arabe, avalant encore plus des 22% de la "Palestine" qui restent à négocier ? »
Enfin, Robert Malley et Aaron David Miller, respectivement directeur du programme Proche-Orient de l’International Crisis Group et chercheur au Woodrow Wilson Center, font paraître le 19 juin une tribune dans The Washington Post, intitulée « "West Bank First" : It Won’t Work ».
Les deux auteurs expliquent combien est illusoire le discours américain qui affirme que si l’on noie la Cisjordanie avec de l’argent, aide le Fatah et les forces de sécurité, le peuple palestinien va se regrouper autour de Mahmoud Abbas. Cette théorie s’appuie sur de fausses hypothèses. « La Cisjordanie n’est pas l’inverse de Gaza. Contrairement à Gaza, l’armée israélienne y est massivement présente. Contrairement au Hamas, le Fatah a cessé d’exister comme une force idéologique ou comme un mouvement politique cohérent. Sous le nom de marque, on trouve une multitude de succursales, de baronnies, d’intérêts personnels. La plupart des attaques contre les forces israéliennes depuis les élections de janvier 2006 ont été lancées par les brigades des martyrs d’Al-Aqsa, des milices incontrôlées liées au Fatah, et cela malgré les appels répétés à les faire cesser de Abbas. » D’autre part, "la Cisjordanie d’abord" « s’appuie sur la notion que Abbas ou tout au leader palestinien pourrait se permettre de se concentrer sur la Cisjordanie au détriment de Gaza ». Et cela est impossible car un tel choix« minerait sa position comme symbole de la nation palestinienne ». Tôt ou tard, concluent les deux auteurs, Abbas « sera forcé d’aboutir à un accord de partage du pouvoir entre le Hamas et le Fatah ».
Enfin, pour mieux comprendre, découvrez les articles du Monde diplomatique cités dans la valise « Gaza, le démembrement de la Palestine ». Et n’hésitez pas à vous abonner au journal (au prix exceptionnel de 24 euros :-) : la gratuité du site n’est possible que parce que nous avons des abonnés et des lecteurs de la version papier.
La conférence sur le Liban aura-t-elle lieu ?
Le nouveau ministre des affaires étrangères français Bernard Kouchner a lancé l’idée d’une conférence des forces politiques libanaises pour reprendre le dialogue entre le gouvernement de Fouad Siniora et l’opposition conduite par le Hezbollah et le Courant patriotique libre du général Michel Aoun. L’idée n’était pas mauvaise, les partis libanais étant incapables de s’asseoir à la même table et le pays étant paralysé par « une guerre civile silencieuse ». Cette initiative a suscité des grincements de dents à Washington, où le Hezbollah est considéré comme une organisation terroriste. Cette nouvelle a aussi soulevé la colère en Israël, où l’on espérait que Nicolas Sarkozy se rallierait enfin à la demande d’inscrire le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes. Enfin, le Crif s’est déclaré « indigné de la présence annoncée du Hezbollah à Paris » et a effectué une démarche en ce sens au Quai d’Orsay. Mais à quoi sert de réunir une conférence si l’on ne discute pas avec un des principaux protagonistes de la crise libanaise ? Paris cèdera-t-il aux pressions ?
L’holocauste et l’Indonésie
Une dépêche de l’AFP du 12 juin en provenance de Jimbaran (Indonésie). « Lors d’une prise de parole rarissime dans le plus grand pays musulman du monde, des rabbins, des témoins de l’holocauste et des responsables musulmans ont affirmé mardi en Indonésie la réalité de la shoah. Le colloque très original, préparé de façon discrète en raison de sa sensibilité, s’est posé comme une "anti-conférence de Téhéran"(...) Il s’est ouvert dans l’île touristique de Bali, où la majorité des habitants sont hindouistes. La réunion, visant à promouvoir la tolérance religieuse, a été présidée par l’ancien président indonésien Abdurrahman Wahid, surnommé "Gus Dur", un leader islamique modéré qui a su prendre des positions courageuses en Indonésie. "Même si je suis un bon ami de Mahmoud Ahmadinejad, [le président iranien] je dois dire qu’il se trompe", a déclaré Gus Dur. "Il a falsifié l’histoire." La présence de rabbins s’exprimant publiquement en Indonésie est un événement rarissime. La présence d’un rabbin israélien l’est encore davantage. (...) »