On l’avait annoncé avec force, la formation d’un nouveau gouvernement d’urgence mis en place par Mahmoud Abbas enfin débarrassé de ses « extrémistes » allait permettre de relancer le processus de paix. Olmert affirmait même que Abbas était devenu un « partenaire ». Il n’a fallu que quelques jours pour que cette propagande se dégonfle et que l’on revienne à la réalité : le refus israélien de se retirer des territoires qu’il occupe depuis quarante ans. Ainsi, le sommet de Charm El-Cheikh, qui a réuni le 25 juin Mahmoud Abbas, Ehud Olmert, Hosni Moubarak et le roi Abdallah II s’est terminé sur un échec. Seule décision, l’annonce par Olmert de sa volonté de libérer 250 prisonniers du Fatah (sur un total de plus de 10 000 prisonniers politiques palestiniens). Dans un article du 26 juin de Libération, « L’inoxydable méfiance d’Olmert », on peut lire :
« “N’attendez pas impatiemment ce soir pour un résultat [des discussions] comme si finalement nous allions nous asseoir et signer un traité de paix”, a prévenu Ehud Olmert hier matin, quelques heures avant de se rendre dans la station balnéaire égyptienne. Dimanche déjà, le gouvernement israélien avait dit ne pas vouloir relancer les discussions de paix avant que le gouvernement d’urgence palestinien ne se “stabilise”. “Il semble que les leçons des sept dernières années ont été insuffisantes pour que les décideurs [israéliens] comprennent quel sort est réservé aux hommes politiques palestiniens qui collaborent avec des régimes étrangers. Il est dommage de gâcher par des gestes marginaux l’opportunité créée par la crise actuelle des territoires palestiniens et par la bonne volonté des dirigeants de la région”, déplorait hier le quotidien israélien de gauche Haaretz. »
Même sur les 600 à 700 millions de dollars « confisqués » (tout à fait illégalement) par le gouvernement israélien (et qui représentent les taxes sur les produits importés dans les territoires palestiniens), les engagements sont restés très flous. Il n’est pas question de les débourser intégralement, mais partiellement (avec l’espoir de faire pression sur les autorités palestiniennes). Quant aux 500 à 600 checkpoints qui divisent la Cisjordanie et qui rendent la vie quotidienne des Palestiniens impossible, ils ne seront pas levés.
Dans ces conditions, l’avenir du gouvernement d’urgence mis en place par Mahmoud Abbas (en violation de la constitution palestinienne) apparaît bien sombre. C’est sans doute pourquoi divers acteurs (en dehors des Etats-Unis et de l’Union européenne) misent sur une réconciliation Hamas-Fatah. Et s’opposent à la position intransigeante de Washington et de Tel-Aviv. Même la Ligue arabe s’est prononcée pour un dialogue entre le Fatah et le Hamas ; l’Egypte et l’Arabie saoudite se sont déclarées prêtes à reprendre leur médiation (ce que le Fatah rejette, pour l’instant).
Selon le correspondant à New York du quotidien israélien Haaretz Shlomo Shamir, « U.S.-led move to back Abbas gov’t blocked in Security Council » (22 juin), la Russie, l’Afrique du Sud, l’Indonésie et le Qatar ont bloqué une initiative des Etats-Unis visant à faire adopter au Conseil de sécurité une déclaration de soutien au gouvernement d’urgence mis en place par le président Mahmoud Abbas. En revanche, le bureau du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-Moon a ouvertement soutenu le gouvernement formé par Abbas.
Dans un texte publié par International Herald Tribune du 21 juin, « Why are we surprised ? », Roger Cohen rapporte des propos de James Wolfensohn, ancien président de la Banque mondiale et qui avait été nommé par Condoleezza Rice comme envoyé spécial pour le désengagement israélien de Gaza. Wolfensohn avait rassemblé une somme de 15 millions de dollars pour « racheter » les cultures sous serre faites par les colons. Il rappelle que, « quand il fut clair que c’était un projet viable, les menaces contre ces cultures ont cessé et les Palestiniens ont eu beaucuoup de fierté à cultiver les fleurs, les fruits et les légumes pour être exportés en Israël. La tragédie totale est, que dans les mois qui ont suivi, les questions de sécurité à la frontière, certaines réelles, d’autres pas, ont abouti à la fermeture des frontières et tout a été gâché. Il existe une vérité au Proche-Orient : si vous ne fournissez pas du travail aux jeunes qui représentent 70% de la population, vous aurez des conflits. Ils tireront sur ceux qu’ils considèrent comme responsables et, finalement, ils tireront les uns contre les autres ».
A Gaza, le blocus imposé par les autorités israéliennes suscite l’inquiétude des organisations humanitaires. Ainsi, l’organisation britannique Oxfam, dans un communiqué du 25 juin, « Oxfam condemns the caging of Gaza », condamne la « mise en cage » de Gaza. Dans un article de Haaretz du 25 juin, intitulé « Border Control/Livni wants a horizon », Akiva Eldar note, en conclusion :
« Le point de passage de Karni n’est ouvert que pour l’aide humanitaire. Les matières premières essentielles ne peuvent pas entrer et les produits agricoles ne peuvent pas sortir. Selon le porte-parole de l’Unrwa, l’arrêt de la livraison de ciment et d’autres matériaux de construction affectera les plans de réhabilitation des logements des 16 000 familles de réfugiés qui vivent dans des conditions très difficiles. D’ici quelques jours, les organisations internationales devront geler leurs initiatives concernant les infrastructures à Gaza pour un montant de 60 millions de dollars et avec cet argent seront perdues 750 000 journées de travail pour les travailleurs locaux. Au sein du Fatah, on pense que c’est par les pressions économiques que l’on poussera les habitants de Gaza à prendre leurs distances à l’égard des mosquées et du Hamas. Il serait intéressant de savoir où ils ont appris cette philosophie. »
L’Iran aide-t-il les talibans ?
Dans une contribution au site Antiwar.com, intitulée « New Iran Arms Claim Reveals Cheney-Military Rift », Gareth Porter met en lumière les contradictions des affirmations américaines dénonçant l’implication de Téhéran en Afghanistan. Dans une déclaration à Paris, le sous-secrétaire d’Etat Nicolas Burns expliquait que « l’Iran transmettait des armes aux talibans en Afghanistan ». Le lendemain, il prétendait qu’il existait pour cela des« preuves irréfutables ». Porter rappelle que cette formulation fut celle du vice-président Richard Cheney le 20 septembre 2002 pour affirmer que Saddam Hussein avait un programme d’enrichissement d’uranium destiné à fabriquer une bombe nucléaire.
Mais ces accusations, poursuit Porter, ne sont pas reprises par tous les responsables américains. Le commandant américain des forces de l’OTAN en Afghanistan a minimisé la présence d’armes iraniennes en Afghanistan : « Jusqu’à présent, ce que nous avons trouvé n’a pas de signification militaire sur le champ de bataille. » Et il s’est demandé si ces armes ne provenaient pas du marché noir, des trafiquants de drogue ou de partisans d’Al-Qaida et avaient pu être vendues par des soldats iraniens pour le profit. Cette analyse est partagée par le ministre de la défense afghan Abdul Rahim Wardak.
Ces contradictions semblent refléter les divisions au sein de l’administration sur la politique à l’égard de l’Iran. En attendant, le compte à rebours de la guerre n’est toujours pas arrêté.
Darfour, le rôle méconnu du climat
Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) publie un rapport sur les conséquences des changements climatiques sur le conflit du Darfour. Dans un communiqué en date du 22 juin et intitulé, « La dégradation environnementale, source de tensions et de conflits au Soudan », l’organisation note : « Une nouvelle évaluation du pays, y compris la région du Darfour en proie à des troubles, indique que l’effritement rapide des services environnementaux dans plusieurs zones clés du pays constitue l’une des causes profondes à l’origine des décennies d’agitation sociale et de conflits. » (...)
« Les questions les plus préoccupantes sont la dégradation des terres, la désertification et l’expansion du désert vers le sud, celui-ci ayant progressé de 100 km en moyenne au cours des quatre dernières décennies. Ces problèmes sont liés à divers facteurs, dont le surpâturage en sol fragile par un cheptel dont les effectifs ont connu une augmentation spectaculaire, passant de près de 27 millions d’animaux à environ 135 millions aujourd’hui. »
« Un grand nombre de zones sensibles traversent également une “crise de déboisement”, qui a entraîné la perte de près de 12 pour cent du couvert forestier du Soudan en quinze ans seulement. En fait, il se peut que certaines régions subissent une perte totale de leur couvert forestier dans les dix prochaines années. »
Le rapport intégral s’intitule Sudan post-conflict Environmental Assesment.
Cette dimension nouvelle des conflits me semble fondamentale. La lutte pour des ressources plus rares devient un facteur décisif de l’aggravation des conflits dans de nombreuses régions du monde.
Frères musulmans et Etats-Unis
L’excellent site Syria comment attire l’attention sur un article du quotidien The Sun du 20 juin, rédigé par Eli Lake et intitulé « Bush Weighs Reaching Out To ‘Brothers’ ». Selon le journaliste, une réunion a eu lieu le 20 juin sous l’égide du Bureau du renseignement et de la recherche du département d’Etat pour discuter de l’ouverture de canaux plus directs avec les Frères musulmans. Parmi les invités à cette réunion, Robert Leiken, qui avait écrit avec Steve Brooke un article dans la revue Foreign Affairs de mars-avril que j’avais signalé : « The Moderate Muslim Brotherhood ». D’autres invités de ce forum défendront des positions hostiles à un tel dialogue.