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Eau et coopération Nord-Sud : le fossé numérique

Une dynamique Wiki se développe depuis quelques années pour promouvoir des transferts de connaissances dans le secteur de l’eau et de l’assainissement en matière de technique, de pratiques professionnelles, de financement de projet comme de gouvernance. Mais l’excellent bulletin néerlandais « Sources Weekly » souligne dans son édition de décembre 2007 les difficultés d’accès à internet qui limitent au Sud partage et mutualisation. Plusieurs initiatives s’efforcent d’y apporter une réponse. L’accès à l’information de base, via internet, par CD Rom ou par le biais de supports papier constituant un enjeu vital pour le monde en développement.

par Marc Laimé, 4 janvier 2008

Sept humains sur huit ne peuvent aujourd’hui accéder à Internet, soulignent Mrs. Cliff Missen et Thomas Hook, qui dirigent le projet WiderNet à l’Université d’Iowa, dans un éditorial paru dans le n° 85 du World Health Bulletin d’avril 2007 :

"Les coûts de connection à internet en Afrique peuvent être des centaines de fois plus élevés que ceux pratiqués en Europe ou aux Etats-Unis d’Amérique. Pour accéder à l’information "libre" sur internet, les institutions de pays en développement doivent souvent disposer de connections de puissante capacité. Par exemple, certaines universités d’Afrique dépensent l’équivalent de 20 salaires à temps plein du corps enseignant pour une connexion à internet de 2 mégabits, qui est ensuite distribuée à 500 à 600 ordinateurs, avec pour résultat une connexion coûteuse et péniblement ralentie pour tous".

Les institutions africaines fonctionnent en effet à des vitesses 500 à 600 fois plus lentes que celles d’Europe et des Etats Unis.

De plus, même si institutions et individus ont accès à internet, la connexion a souvent peu de valeur pratique pour quelques usagers privilégiés, soulignent-ils.

Leurs tests de vitesses réelles d’internet indiquent qu’alors que les usagers des grandes universités européennes ou américaines bénéficient de connexions à internet de 17 millions de bits par seconde, ceux des institutions africaines opèrent à des vitesses 500 à 600 fois plus lentes, soit environ 30 000 bits par seconde.

Ayant testé des centaines de serveurs internet dans les institutions africaines ils ont constaté que le serveur type n’est en ligne que pendant six heures environ par jour, et demeure souvent déconnecté pendant des jours ou des semaines.

Les formateurs de ces institutions ne sont donc pas enclins à demander aux étudiants de rechercher des informations sur internet. Ils emploient également rarement des ressources comme les travaux dirigés en vidéo, audio et multimédia, parce que le téléchargement de ces articles est coûteux, lent et incertain.

Il serait donc préférable de miser sur les technologies qui fonctionnent dans les conditions ordinaires, font le meilleur usage de ressources limitées et peuvent avoir des impacts immédiats là où émerge un besoin pressant en information, avancent Mrs. Missen et Cook.

Et de citer deux projets initiés par Global Health Campus Initiative, un programme développé par l’Université d’Iowa, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et d’autres organisations partenaires.

Un « internet en boîte » encore trop coûteux

La e-Granary digital library emploie un lecteur unique pour stocker et livrer le contenu de plus de 700 CD de pages web et autres ressources pédagogiques numériques.

Cet "Internet en boîte" n’exige aucune connexion externe, et fournit aux usagers l’aspect et la sensation de l’internet, y compris un moteur de recherche puissant.

Le projet de WiderNet regroupe actuellement plus de 150 bibliothèques numériques e-Granary installées dans différentes institutions à travers l’Afrique, au Bangladesh, en Haïti et en Inde. Bon nombre de ces dispositifs fonctionnent sur les réseaux locaux qui sont extrêmement rapides et gratuits, capables de desservir simultanément des milliers de chercheurs d’informations, à des vitesses beaucoup plus rapides que celles enregistrées dans les meilleures universités des pays développés.

Les subventions qui ont contribué à développer et tester la bibliothèque numérique e-Granary sont toutefois arrivées à terme le 1er janvier 2006.

« L’internet en boîte » est donc maintenant offert à divers tarifs, comportant un an d’appui technique et d’abonnement par courrier électronique/Web à e-Granary digital library update service.

Les possibilités offertes sont :

 une version portative et autonome à 750 dollars US (505,50 euros) ;

 un disque dur d’un Pentium III rénové d’e-Granary à 1 000 dollars (674,01 euros) ;

 un nouveau serveur Pentium IV à 2 800 dollars US (1 887,20 euros) pour les usagers de LAN ou comme unité autonome.

Un wiki « en différé » pour le monde en développement

Un autre projet, élaboré par CD3WD, est un CR-ROM permettant d’accéder à plus de 800 publications libres, tant en ligne qu’en différé.

Il contient des informations sur les technologies appropriées, le sol et l’eau, la santé, l’eau et l’assainissement, etc.

Le matériel comprend un OCW (devoirs de contrôle continu ouvert), ainsi que des outils provenant du Massachussets institute of technology (MIT), de l’Université John Hopkins, et des modules de téléchargements émanant de la GTZ-Allemagne, de l’ITDG/Practical Action-GB et de l’Unité de développement technologique (DTU) de l’Université de Warwick en Grande Bretagne.

La rédaction et la mise en ligne sont assurés par M. Alex Weir au Zimbabwe.

« Le CD3WD ne dispose pas de fonds pour envoyer des CD par avion. L’envoi par avion à partir du Zimbabwe coûte excessivement cher » , écrit M. Weir.

« Si vous n’avez pas de bande passante pour télécharger, alors trouvez quelqu’un qui en a et suppliez, empruntez, cajolez, menacez ou subornez le pour qu’il télécharge pour vous… Chaque capitale de pays du tiers monde dispose d’un ISP et/ou cybercafé avec une bande passante suffisante pour bien télécharger CD3WD ».

Des outils de communication disponibles en ligne gratuitement

Par ailleurs Cap-Net, en collaboration avec MetaMeta Communications a élaboré un site Web de ressources sur l’eau dédié aux outils de formation, de communication et d’éducation.

Le site est accessible gratuitement et contient des astuces pour les présentations, des outils de communication, des cours d’utilisation de médias, un logiciel ordinaire, une base de données d’images, etc.

Il est destiné aux organisations intervenant dans les domaines de la formation ou du transfert de connaissances dans la gestion de l’eau, ou qui s’impliquent dans les activités de sensibilisation dans le secteur de l’eau.

Bien qu’initialement développé par Cap-Net en partenariat avec MetaMeta Communications, l’implication, l’appui et les contributions pour enrichir le contenu venant d’autres partenaires sont les bienvenus.

L’accès en ligne en matière de santé

Plus généralement, des barrières identiques pénalisent l’accès en ligne aux ressources en matière de santé, comme le souligne une étude récemment conduite en Zambie par M. Joost Hoppenbrouwer, consultant indépendant en matière de VIH/SIDA, et Mme Christine Wamunyima Kanyengo, de la Faculté de médecine de l’Université de Zambie à Lusaka.

Intitulée « Accès actuel à l’information en matière de santé en Zambie : une étude sur des institutions de santé choisies », l’étude publiée par le Health information and libraries journal souligne que puisqu’il n’existe a aucune connexion à internet dans les centres de santé en milieu rural, les ressources d’information en ligne ne sont pas pertinentes actuellement […] A moins que des initiatives ne facilitent la diffusion de l’information du niveau central vers le personnel sanitaire en milieu rural, les avantages de ces initiatives d’accès à l’information resteront limités au niveau central.

Contact :

 E-Granary : University de l’Iowa, Library Service, 300 Plaza Centre One, Suite 371, Iowa City, Iowa 52242-2500

 Widernet - Cliff Missen : missenc@widernet.org

Marc Laimé

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